Souvenir de dégustation de Champagne

 

 

 

Eric Dugardin a reçu le titre de Meilleur Sommelier de Champagne en 1983. Il a passé sa vie à transmettre ses savoirs sur le vin et le champagne. Il revient sur son plus beau souvenir de dégustation.

 

Eric Dugardin a grandi entouré de motos et de mobylettes, dans les Hauts de France. Son grand-père était garagiste, son père mécanicien. Dans la région comme à leur table, le vin n’est pas nécessairement une grande tradition. On en boit un peu le weekend, à la limite, pour accompagner un rosbeef ou du fromage. Un peu par hasard, alors qu’il est en classe de troisième, il entend un camarade de classe demander des informations sur l’école hôtelière et s’y intéresse lui aussi. C’est dans celle du Touquet qu’il fait une rencontre qui lie sa vie au vin. Élu meilleur sommelier de Champagne à tout juste 21 ans, il est depuis une référence en matière de sommellerie, et l’auteur, avec son fils Hugo, du Secret des Bouteilles, une chaîne YouTube dédiée à sa matière préférée, la vigne.

 

Comment est née cette chaîne Youtube : le Secret des Bouteilles ?

Elle vient d’une idée de mon fils, Hugo. Il était rentré nous voir pour le weekend et nous avions fait un barbecue avec des amis à lui. Bien sûr, nous avions dégusté du vin. Alors qu’on faisait un petit tour du jardin où je montrais mes quelques pieds de vigne, j’ai répondu à quelques questions sur la vie de la vigne et du vin aux jeunes gens qui étaient là. Mon fils m’a fait la remarque que lorsque j’expliquais, ça avait l’air simple, fluide, alors qu’en général, les réponses de professionnels sont très techniques. Il m’a proposé de me lancer dans des vidéos pédagogiques sur le sujet. Ce que nous avons fait ensemble. Voilà comment est né le Secret des bouteilles !

 

Votre découverte du vin, comment s’est-elle faite ?
Je faisais partie d’une famille de quatre garçons, tous étaient passionnés de moto, sauf moi. J’étais le genre discret et timide. Quand j’ai cherché ma voie, je me suis orienté vers l’hôtellerie. Deux heures par semaine, on nous apprenait l'œnologie. C’est là que j’ai découvert le vin. Je me souviendrais toujours de la qualité des cours de Monsieur Courtecuisse. Son expérience et sa façon de transmettre ont stimulé mon intérêt. Vingt ans plus tard, je me suis moi-même mis à enseigner sur le vin en parallèle de mon métier de sommelier, je voulais transmettre avec la même énergie qu’il l’avait fait pour moi. Ma première émotion viticole, c’était avec un verre de bourgogne Passetoutgrain, une petite bouteille de la cave de mes parents. Je me souviens avoir été séduit par sa gourmandise, ses fruits, sa souplesse… Sans être une révélation, ça a été un plaisir immédiat.

 

Quand avez-vous goûté au champagne pour la première fois ?
Mes premiers souvenirs de champagne remontent à mon enfance, je finissais les verres discrètement. Je me souviens aussi avoir adoré tremper mes biscuits « boudoirs » dans les coupes des adultes. Voir la mousse réagir lorsque le biscuit touchait le champagne, et sentir la texture du biscuit imprégné de champagne se modifier… J’adorais ça. C’était le début de mon éveil sensoriel, une sorte de baptême !

 

Comment votre rapport au champagne a-t-il évolué ?
C’était lors de mon premier concours de sommellerie. Je n’avais même pas encore mon BEP hôtellerie, en 1979, à 17 ans. J’ai participé à la première édition du Trophée Ruinart du Meilleur jeune sommelier de France. J’ai alors découvert le champagne des grandes maisons. Je me souviens de la différence pour moi qui n’avait bu jusqu’ici que du « petit » champagne, car on n’avait pas beaucoup de moyens à la maison. J’ai ensuite continué à passer des concours, en 1981, puis en 1983 à Reims, au Comité Interprofessionnel du Vin Champagne. Je n’ai que 21 ans, je suis entouré de professionnels qui ont jusqu’à 30 ans de métier derrière eux. Je suis commis sommelier et je passe toutes les épreuves jusqu’à obtenir le titre de Meilleur Sommelier de Champagne. La quatrième fois, je deviens vice-meilleur sommelier de France à côté de Philippe Faure-Brac.

 

Depuis les Hauts-de-France, comment avez-vous fait votre éducation au champagne ?
J’ai approfondi ma découverte du champagne grâce à l’Association des sommeliers Nord Picardie. Le directeur de l’Huitrière à Lille, Didier Vandenbosch, un chef étoilé, était le responsable de l'association. Tous les trimestres, il nous emmenait visiter des caves en Champagne. J’y ai appris à différencier les cuvées, à reconnaître le style des maisons, à comprendre leur philosophie…

 

Et quel est votre plus beau souvenir en matière de champagne ?
C’était avec cette même association, chez Moët & Chandon. Nous avions dégusté pas mal de choses et nous sommes arrivés tout au fond de la cave, dans la réserve très protégée des vieux millésimes. De derrière la grille, le chef de cave a pris une bouteille sur pointe, datée de 1928. Il nous l’a dégorgée à la demande avant de nous servir dans de petits verres en forme de tulipe. Il était doré, la bulle était discrète visuellement mais encore présente en bouche, légère. Les saveurs étaient étonnantes avec une fraîcheur persistante, un goût qui évoquait la rose fanée, de la craie humide et du champignon. Découvrir ce champagne historique était très émouvant.

 

Avec quoi dégustez-vous le champagne à table ? Parlez-nous d’un souvenir de dégustation qui vous a marqué…
J’aime boire du champagne avec des canapés sur lesquels je dispose des œufs de poisson. Le croquant des œufs, l’iode, la salinité sont fusionnels avec les éléments minéraux du champagne. En général, je conseille de commencer à l’apéritif par un Blanc de Blanc, son acidité aide à faire saliver et à bien préparer la digestion. Puis, de manger l’entrée avec un Brut classique. Au repas, sur un turbot au champagne ou une potée champenoise, je privilégie un millésimé. J’aime beaucoup en boire avec du brie, qui bénéficie, comme le champagne, d’un sol calcaire. Avec une forêt noire, je conseille un champagne rosé.