Voyage au fil du whisky français avec Philippe Jugé

 

Dans la bibliothèque de whiskies français du collectionneur Philippe Jugé, on trouve pas moins de 1 500 références. C’est évidemment unique en la matière. Vins Fins n’a donc pas résisté de demander à ce grand spécialiste du whisky, par ailleurs auteur du Whisky pour les Nuls, de nous faire un tour du propriétaire, ou devrait-on dire, un tour de France.

 

La découverte du whisky s’est faite sur le tard, pour Philippe Jugé. Sans rien y connaître, il est embauché en 2005 par la Maison du Whisky en tant que responsable de la communication. Il n’en a alors jamais bu de sa vie, et pour lui, cela se résume au très peu savoureux cocktail « whisky-coca ». Alors que le spiritueux entame son âge d’or au début des années 2000, que de nouveaux producteurs, consommateurs et réseaux se mettent en place pour lui redonner vie, l’homme se découvre une passion pour la boisson maltée. Au point d’en devenir un expert et collectionneur incontesté parmi ses pairs. Dans sa bibliothèque de whiskies français, 1 500 références sont aujourd’hui exposées. Depuis le tout premier, édité en 1987, jusqu’à chaque nouvelle bouteille qui voit le jour encore aujourd’hui, Philippe les acquiert sans exception. L’auteur de l’ouvrage Le whisky pour les nuls nous emmène en voyage au fil du whisky à travers la France.

 

Comment vous êtes-vous intéressé au whisky français en particulier ?
Quand je suis arrivé à la Maison du Whisky, j’ai proposé de tout miser sur le whisky japonais en termes de communication. J’ai été pris pour un fou, mais on a suivi mon idée. Et ça a payé ! De fait, je me suis intéressé aux autres whiskies qui ne venaient pas d’Ecosse ou d’Irlande. Et j’ai posé la question de savoir s’il y en avait des Français. J’ai reçu, à l’époque, une réponse assez floue. Puis j’ai découvert qu’on en faisait en Bretagne, d’où je suis originaire ! Comme je m’occupais du Magazine du Whisky, j’ai contacté tous les producteurs de whisky français (une dizaine alors) et j’ai tout goûté, visité, j’ai rencontré tout le monde. Il me semblait que l’on avait une sorte de devoir d’accompagner cette production en France.

 

Concrètement, qu’est-ce qu’un whisky français ?
Pour être considéré comme un whisky français, il faut qu’il soit brassé à partir de céréales, vieilli trois ans sous bois et embouteillé à 40% d’alcool. Depuis 1992, il existe quatre indications géographiques en Europe : le Scotch whisky, d’Ecosse, l’Irish whisky d’Irlande, et deux françaises, le whisky breton et le whisky alsacien. Pour ces deux dernières, le brassage, la fermentation, la distillation et le vieillissement doivent être réalisés en France.

 

Le whisky français a-t-il une particularité ?
Contrairement au Scotch whisky ou à l’Irish whisky, en France, chacun le fait à sa manière, avec des alambics différents par exemple. Il y a une grande diversité dans le whisky français. Notamment parce que ceux qui le fabriquent viennent de divers univers : certains étaient producteurs d’eaux de vie, d’autres étaient brasseurs, d’autres encore sont vignerons, et certains sont partis de zéros avant de donner vie à leur distillerie… Tous ces savoir-faire se mêlent et produisent des whiskies aux signatures variées.

 

Partons maintenant en voyage à travers l’Hexagone, au fil de plusieurs distilleries françaises incontournables. Et on commence donc chez vous, en Bretagne, à Warenghem, dont nous avons déjà parlé sur Vins Fins, et qui produit le whisky Armorik.
Warenghem représente les distilleries historiques en France. Elle existe depuis le début du XXe siècle et son premier whisky a commencé à être travaillé en 1984. Elle est installée dans le décor des Côtes d’Armor, à Lannion. Pas loin des falaises de schiste et de grès rose du cap Fréhel. Son whisky est distillé à la repasse, selon le même principe que les Ecossais, et c’est probablement celui qui s’en rapproche le plus gustativement parlant. Les fûts utilisés sont souvent de même type, de Bourbon ou de Xérès. Leurs alambics viennent de la région de la Cognac.

 

Pour la seconde, vous nous emmenez, en Alsace, chez la distillerie Hepp.
Le « Ouiski » Hepp est distillé dans une ville d’Alsace qui s’appelle Uberach. C’est un haut lieu de ce produit : dans cette commune du Bas Rhin d’à peine mille habitants, on trouve trois distilleries. Uberach veut dire « par-delà la rivière », et on le sait, il faut beaucoup d’eau pour faire du whisky… À l’origine, la distillerie Hepp faisait des eaux de vie de fruits. Aujourd’hui, ils produisent leur whisky grâce à des alambics allemands à bain marie, et donc pas à la vapeur. De fait, la chauffe est beaucoup plus douce, ce qui donne des whiskies plus légers. Ils sont d’ailleurs faciles à boire jeunes, à l’apéritif.

 

Direction, ensuite, l’Aubrac avec la Distillerie de Laguiole…
Leur whisky s’appelle Twelve (parce que le numéro du département est le 12). Ici aussi, on a accès facilement à l’eau parce que les hivers sont enneigés. L’Aubrac est très connue pour ses vaches, son fromage, ses couteaux… Mais à Laguiole, il y a aussi une distillerie ! Leurs alambics viennent de Bordeaux, et font une distillation à une seule passe. Cela permet de produire des spiritueux faciles à boire jeunes. Chez eux, on trouve deux types de chais : un très humide et un sec, ce qui est très rare et permet de beaux assemblages. Les deux types de vieillissements mêlés donnent naissance à un whisky qui paraît beaucoup plus âgé qu’il ne l’est en réalité.

 

En pour finir, la Distillerie Castan, qui produit le Vilanova…
Celle-ci est située dans le Tarn, non loin d’Albi. La Distillerie Castan a la particularité de faire vieillir ses whiskies en fûts de vins français, plus spécifiquement de bordeaux, de Pacherenc, de vins doux naturels. Cela donne des whiskies très vineux, soit marqués par les tanins de vins rouges, soit par la gourmandise des vins doux. Dans tous les cas, on y découvre des spiritueux complexes.



Pour aller plus loin : Le whisky pour les nuls, par Philippe Jugé, c'est ici