Bourgogne : aux origines de la Saint Vincent

 

 

L’année commence en fanfare dans le monde du vin : dès le 22 janvier, on célèbre la Saint-Vincent Tournante, en Bourgogne. Pour l’occasion, on se pare d’habits traditionnels pour de joyeuses processions, on assiste à des spectacles itinérants, on danse au bal et bien sûr, on déguste des vins de la région. Mais d’où vient cette fête, et qui était Saint Vincent ? L’historien Éric Glatre, auteur de nombreux ouvrages sur l’univers viticole, dont Histoire(s) de vin: 33 dates qui façonnèrent les vignobles français, s’est confié à Vins Fins sur les origines de cette première célébration vigneronne du calendrier.

 

Pourquoi l’univers vigneron est-il souvent lié à celui de la religion ?
On compte une trentaine de saints liés à l’univers du vin. Cette tradition, de s’en remettre aux figures religieuses, remonte au Moyen-Âge. C’est une façon de protéger la vigne, en complément des techniques (de plus en plus) élaborées, car on le sait, cette dernière constitue une culture à hauts risques. Entre les gelées, la grêle, l’excès de pluie, la sécheresse, les insectes ou les champignons… Les vignerons ont pris l’habitude de se tourner vers de saints patrons. Cela vient plus précisément de l’hagiographie des martyrs, où le vin est souvent assimilé au sang versé.

 

Qui était saint Vincent ?
Saint Vincent, aussi appelé Vincent de Saragosse, était diacre à Saragosse en Espagne. Il fut torturé et parvint à dominer les supplices les plus cruels. Malgré la souffrance qui lui était infligée, il serait parvenu à chanter, rire et avoir des traits d’humour auprès de ses tortionnaires. Il incarne la ténacité. Il vécut à la fin du troisième siècle et mourut au début du quatrième, à Valence.

 

Pourquoi ce saint a-t-il été choisi par les vignerons ?
Aucun texte ne permet de définir l’origine de son patronage auprès de la corporation des vignerons. On remarque simplement qu’à partir du XVIe siècle, l’imagerie populaire le représente encadré de deux ceps de vigne, portant des grappes de raisins, ou en train d’enseigner aux vignerons l’art de cultiver la vigne. Plusieurs hypothèses ont été formulées quant à ce choix. Certaines sont des légendes, d’autres sont plus probables. Il serait associé au vin en raison de l’identité entre ce mot et la première syllabe de son nom : Vin-Cent (le saint rendant le vin au centuple), ou encore Vin-Sang (pour le sang du Christ). On invoque bien sainte Claire pour les maladies des yeux, Saint Loup pour les maladies liées à la peur… Autre possibilité : il aurait été associé à la vigne parce que sa fête tombe le 22 janvier, une époque marquant la fin du repos hivernal et réputée favorable pour le début de la taille. Il faut aussi noter que l’Église est elle-même viticultrice à l’échelle locale, et qu’elle a pu encourager ce patronage en rapprochant les qualités du diacre avec la ténacité et la patience du vigneron.

 

Qu’apporte Saint Vincent à la vigne ?
C’est l’historien Marc André, dans un article paru en 1983 qui a écrit : « À l'époque de la taille et des premiers labours, afin de favoriser la montée de la sève, on fête saint Vincent le 22 janvier ». Mais d’autres saints viennent aider la vigne pour qu’elle fleurisse, pour que le raisin mûrisse, pour protéger les vendanges… Les dictons qui citent les saints ne sont pas du folklore. Ils correspondent à des réalités climatiques des mois et des saisons, à des réalités botaniques.

 

Cette fête du 22 janvier est-elle célébrée partout ?
Saint Vincent n’est pas lié au vin partout : il est absent dans les régions viticoles du sud (au Portugal, il est le protecteur des marins) et du nord de l’Europe (en Allemagne, il est celui des travailleurs du bois). Même en France, il y a des divergences. La Bourgogne (et dans une moindre mesure la Champagne) continue de le célébrer via la Saint-Vincent Tournante où sont données des messes, des processions en habits, des offrandes, des bénédictions, des repas vignerons, des chants, des bals, des tournées de caves et cafés… Mais cette tradition là est née il n’y a pas si longtemps, en 1933. Elle vient de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.

 

Quelques vins à déguster pour la Saint Vincent :