À la rencontre de la Maison de Champagne Nicolas Feuillatte

 

Le temps d’une matinée, Guillaume Roffiaen, Chef de Caves de la Maison Nicolas Feuillatte, et Clément Meynier, caviste-gérant de la cave Nicolas Madeleine à Paris, ont échangé à propos du Champagne préféré des Français. Du savoir-faire aux accords mets et vins, en passant par le parcours de chacun jusqu’à la bulle, les deux hommes se sont confiés à Vins Fins by NICOLAS.

« Ce n’est pas aux bulles de Champagne » que la vie prédestinait Guillaume Roffiaen, plutôt à celles de la bière, pour ce natif de Lille, diplômé ingénieur. Lier sa vie au vin n’était pas non plus au programme. Mais voilà qu’en 2014, il rejoint les rangs de Champagne Nicolas Feuillatte, dont il est ensuite devenu le Chef de Caves, puis le Directeur Vignes et Vins. La Maison, fondée sur un modèle coopératif unique dans l’univers de la bulle, regroupe une communauté de 5 000 vignerons et assume sa position de troisième marque mondiale depuis 2011. Nicolas Feuillatte est l’incarnation du luxe accessible, avec autant de gammes qu’il existe de palais à ravir. C’est une institution. Un « champagne emblématique », comme le décrit Clément Meynier, co-gérant de la cave Nicolas de la Madeleine, spécialisée dans le Champagne. Lui aussi est un expert de la bulle – doublé d’un passionné – dont le parcours a commencé ailleurs, du côté des vins tranquilles bordelais. Pour les deux hommes, la vigne est un amour de famille et le champagne un incontournable de l’apéritif, mais aussi du repas. Au fil d’un entretien croisé, ils se sont confiés à Vins Fins sur le savoir-faire exceptionnel de cette maison qui édite aujourd’hui plus de 20 millions de bouteilles par an, et sur les plus belles façons de les déguster.

D’où sont nées vos passions respectives pour le vin et le champagne ?

Guillaume Roffiaen : Mon goût du vin me vient de mon grand-père qui avait une excellente cave. Il y conservait des bouteilles de Châteaux très réputés du bordelais, datant juste d'après-guerre. On ne les ouvrait pas, alors elles se contentaient de me faire rêver… C’est là que mon attrait quelque peu magique pour le vin a commencé à germer. Pendant mes études d’ingénieur en agriculture, j’ai eu la chance de faire un premier stage dans le bordelais, au cours duquel j’ai contracté le virus, j’avais 20 ans. Au travers de ces études je n’étais pas du tout prédestiné à travailler dans le domaine de la viticulture, mais il a fallu faire des choix et recentrer les choses sur ce qui me plaisait vraiment… Grâce aux expériences, stages et emplois estivaux – j’étais caviste remplaçant chez Nicolas pendant les vacances scolaires – je me suis orienté progressivement vers le monde du vin, plus précisément en Champagne.

Clément Meynier : J’ai un père et un grand-père passionnés, qui m’ont fait sentir et goûter un peu de tout. J’ai découvert mon goût pour le vin très tôt finalement. Pendant plus de cinq ans, j’ai travaillé à Saint-Emilion. Le champagne j’y suis arrivé plus tard, en intégrant Nicolas. On m’a demandé vers quoi je voulais aller, quel type de formation m’intéressait avant d’entrer en cave, et comme je gérais déjà des caves, j’ai choisi une formation sur le champagne à Reims. J’y ai découvert Nicolas Feuillatte, c’est l’une des maisons les plus emblématiques de France… Et depuis que je suis ici à la Madeleine, j’ai la chance d’en déguster régulièrement.


Guillaume, vous êtes Directeur Vignes et vins chez Nicolas Feuillatte, depuis 2014. Racontez-nous ce que cela représente, de diriger une si grande structure ?

G. R. : On ne peut certainement pas mener ça seul ! En marge, ce métier représente beaucoup de travail de contact avec nos adhérents vignerons, dans le pôle que l’on baptise, au sein de notre structure, la « Champagne Academy ». On les accompagne sur leurs choix de conduite viticole, mais aussi des formations pendant le repos hivernal, y compris sur l’accompagnement à la viticulture durable. En tant que Directeur Vignes et Vins, je gère tout le cycle qui va de la vigne au verre : technique viticole, contrôle analytique et organoleptique, conception des vins, gestion de la cuverie et du tirage… Pendant la période des vendanges, l’endroit est impressionnant, l’impression qui se dégage est celle d’une fourmilière. Mais en réalité, c’est un paquebot qui avance extrêmement sereinement et de manière très maîtrisée, malgré les grands enjeux de cette phase. Chaque équipe est à son poste, et sait ce qu’elle a à faire.


Outre son fonctionnement et ses dimensions extraordinaires, parlez-nous du savoir-faire Nicolas Feuillatte.

G. R. : Le savoir-faire Nicolas Feuillatte réside dans différents éléments assez spécifiques du point de vue technique. D’abord, sur la méthodologie d’assemblage et en particulier sur la gestion des vins de réserve. Notre méthode actuelle a été impulsée quand je suis arrivé en 2014. Nous travaillons à l'inverse de ce qui est habituellement pratiqué en Champagne. D’ordinaire, la cuverie vous est intégralement disponible et vous pouvez choisir ce dont vous avez besoin parmi tous les vins clairs et vins de réserve. Une fois les assemblages terminés, il vous reste des vins qui ne sont pas intégrés aux assemblages, que vous positionnez de fait en réserve pour l'année suivante. Mais en pratiquant ainsi, on prend le risque de mettre en réserve des vins qui n’ont pas une grande aptitude au vieillissement, qu’ils aient un potentiel organoleptique de haut niveau ou non. Donc nous avons changé d’approche chez Nicolas Feuillatte, et décidons des vins à mettre en réserve avant tout travail sur les assemblages. Ils sont choisis en amont selon leurs qualités organoleptiques, leur capacité à se bonifier dans le temps, la richesse de leur potentiel… pour pouvoir garantir d’être utiles aux assemblages dans le futur. C’est une façon de piloter notre réserve en décidant de la mosaïque globale dont nous pourrons disposer à l’avenir. Notre savoir-faire réside dans notre capacité à garantir une continuité qualitative et stylistique sur l’ensemble de nos cuvées non millésimées.

Sur Vins Fins by NICOLAS, nous proposons plusieurs grands formats : un mathusalem et un jéroboam Nicolas Feuillatte. Y a-t-il un intérêt pour le champagne à être conservé dans de telles contenants ? Et à quelles occasions les déguste-t-on ?

G. R. : Nos vins sont pensés pour se faire plaisir intensément. En format bouteille (75 cl), puisque la maturation de nos cuvées est assurée en amont dans nos caves, notre conseil est de les consommer dans les deux ans qui suivent l’achat. Au-delà, le vin continue à évoluer sur un profil organoleptique plus mature. Avec les grands contenants, on gagne en liberté. J’ai récemment dégusté une de nos références en Jéroboam et je me suis aperçu qu’on ne sentait pas les années de vieillissement. Avec quatre fois plus de volume dans un flacon dont le goulot est à peine plus grand, naturellement le phénomène de pénétration d'oxygène est moindre. Le grand flacon est forcément intéressant : il préserve mieux le champagne des aléas du temps passé en caves après le dégorgement. Sans compter que la finesse de bulle est davantage préservée ! C.M. : Je conseille souvent à mes clients de choisir ce type de formats pour les événements importants comme les anniversaires, les mariages… Être nombreux réunis et pouvoir tous avoir une coupe de la même bouteille de champagne, je trouve que c’est vraiment agréable. Pour en revenir à ce que disait Guillaume, je leur explique aussi que plus le format est grand, meilleur est le vieillissement !

Les caves Nicolas et Champagne Nicolas Feuillatte collaborent depuis des années, parlez-nous de cette collaboration.

G. R. : Outre le fait que nos deux maisons partagent un même prénom, je salue surtout une longue relation, qui est stable, et renouvelée parce qu’elle fonctionne bien. Nos gammes de champagnes ne sont pas les mêmes en fonction des circuits de distribution. Celle dont Nicolas dispose est exclusivement dédiée aux cavistes, hôtels et restaurants. Quand je me rends chez un caviste pour acheter une bouteille spécifique pour un événement, j’attends un accompagnement, un conseil, un discours autour du vin, et j’en ressors généralement enrichi de nouvelles connaissances. Chez Nicolas, il y a ce lien, ce savoir-faire particulier.

 

C. M. : Nicolas et Nicolas Feuillatte, c’est une longue histoire de plus de 20 ans. En effet, ces deux maisons collaborent étroitement depuis plus de deux décennies et cela s’inscrit dans le cadre d’une relation étroite à la fois constructive et bienveillante.

Clément, parlez-nous de l’expertise Nicolas sur le conseil en champagne ?

C. M. : Je pense qu’il y a une relation de confiance avec notre clientèle, et c’est ce qui est passionnant dans notre métier. Notre rôle, c’est de faire découvrir des produits, de conseiller. Je pars du principe qu’à chaque fois que je conseille un champagne, je m’engage. S’il ne plaît pas, je me dis que j’ai peut-être gâché la soirée du client. Nous conseillons les vins Nicolas Feuillatte parce que nous les connaissons, et nous avons une clientèle dont nous connaissons les goûts. De fait, cette dernière est fidèle.

Sur Vins Fins by NICOLAS, on retrouve également l’une des cuvées iconiques de la maison Nicolas Feuillatte : Palmes d’Or 2008 Brut. Avec quoi conseilleriez-vous de le déguster ?

G. R. : Palmes d’Or est un vin qui appelle des éléments complexes. C’est moins un vin d’apéritif que de repas. Une volaille avec une sauce légère au champagne, peut être très intéressante. Sur tout ce qui vient de la mer, il est royal : un carpaccio de Saint Jacques fera merveille !

C. M. : C’est effectivement un champagne qui va bien avec des choses marquées. Moi je le conseille souvent avec de la truffe. Palmes d’Or a la structure suffisante pour se trouver face à des produits nobles.

Et la Réserve Exclusive Premier cru, avec quoi la conseilleriez-vous ?

G. R. : La particularité de ce champagne, à mon sens, est qu’il est capable d’accompagner à peu près tout ! Il va très bien avec un saumon gravlax ou du foie gras par exemple. Mais aussi sur un dessert. C’est un champagne qui n’a peur de rien. Si vous l’accompagnez de quelque chose de beaucoup plus subtil, comme des langoustines aux agrumes, il s’accordera parfaitement.

Que recommanderiez-vous avec la Réserve Exclusive Rosé ?

G. R. : La tonalité du fruit y est très marquée. Il peut apporter de la complexité, par exemple sur une tarte sèche aux fraises. Mais on peut aussi le déguster avec du fromage, comme une Mimolette extra-vieille.

C. M. : C’est un champagne que je trouve très croquant, gourmand. Sur du saumon aussi, le rosé est intéressant, il apporte un côté groseille qui révèle le poisson. Son côté vif permet aussi d’équilibrer un dessert, il est très harmonieux avec du sucré fruité.

Et pour finir, une petite révolution : 2022, vous avez révélé vos premières bouteilles certifiées biologiques, parlez-nous de ce tournant.

G. R. : Oui absolument ! Nous avons développé une cuvée biologique. Depuis 2009, on travaille des raisins en bio. Mais on ne voulait pas se presser, on voulait se donner le temps de travailler cette matière. Sur le plan organoleptique, comme sur le plan technique, c’est une expression différente, les pH sont plus bas, la conception est elle aussi singulière… Il a fallu convaincre nos vignerons qui n’osaient pas, les accompagner, parce que lorsque l’on cultive en bio, on produit moins et les aléas climatiques se ressentent aussi dans la régularité de la matière première d’une année sur l’autre. Le doute peut donc s’installer. Mais on a réussi à impulser cela et nos vignerons se sont engagés fermement dans cette démarche, ce qui nous a permis d’éditer notre cuvée Organic Extra Brut. Après plusieurs années d’effort, nous pouvons nous targuer d’intégrer plus de 50 ha d’approvisionnement régulier en raisins certifiés bio… l’avenir est devant nous !