A la découverte du Nez du Vin, la bibliothèque olfactive de Jean Lenoir

 

 

Développer sa bibliothèque olfactive, mémoriser les arômes du vin : ces expressions font penser à un cours d’œnologie. Et pourtant elles ne s’y cantonnent pas, on peut aussi le faire chez soi, avec des outils dédiés, comme Le Nez du Vin. En 1981, un passionné du nom de Jean Lenoir donnait naissance à un livre-objet baptisé de la sorte, décrit comme un « alphabet olfactif », composé de fioles aromatiques et de cartes explicatives. Son inventeur décédé en février dernier laisse derrière lui un patrimoine olfactif précieux pour amateurs comme professionnels. Sa fille Viva Lenoir, directrice du pôle arômes de l’entreprise, raconte la genèse de cet objet vendu dans le monde entier, qui permet d’apprendre à parfait son nez et son palais.

 

C’est un grand livre rouge qui se déploie comme une malle aux trésors : à l’intérieur, est rangée une série de fioles aromatiques à l’odeur de rose, de clou de girofle, de poivre, de safran ou encore de musc… En face, des cartes expliquent les caractéristiques de chaque senteur en les rattachant à des origines géographiques. Et si la description pourrait laisser penser à un atelier de parfumerie, il n’en est rien : il s’agit là d’un outil pour apprendre à détecter la signature aromatique des vins.

 

Ce Nez du Vin est le fruit de l’ingéniosité d’un homme, baptisé Jean Lenoir. Alors qu’il est adolescent, il a une révélation pour les nectars issus de la vigne, au cours d’une vendange qu’il fait chez un oncle en Bourgogne. Ses premières émotions gustatives se passent autour d’un verre de Chassagne-Montrachet. Un jour, alors qu’il déguste l’un de ces grands vins de Bourgogne, l’homme a une révélation. En plongeant son nez dans un verre, il est percuté par une odeur de rose. On lui explique alors que « ce qui est à l’origine de la senteur de rose est détectable dans certains vins, d’un point de vue chimique, et ce, sans que personne n’ait ajouté de goutte d’huile essentielle de rose, bien entendu. Le vin qu’il venait de goûter contenait naturellement des molécules de la famille des monoterpènes », nous éclaire Viva Lenoir, la fille de Jean. C’est de là que naît l’idée qui va changer sa vie : « Si j’isole ces molécules aromatiques, je pourrai permettre aux gens de reconnaître les arômes du vin », se souvient-elle avoir entendu raconter son père.

 

Découper le vin en petits flacons aromatiques

 

En 1976, un autre événement vient renforcer le rêve de Jean Lenoir. Il est alors directeur de la maison de la culture de Chalon sur Saône, et dans le cadre d’un projet de festival baptisé « Eat Art », on lui demande d’intégrer une réflexion autour du goût et de l’odorat au sein de cet établissement installé dans une région viticole. Si l’homme aime le vin, il est bien loin d’être un expert. Pour se préparer, il demande donc à suivre des cours dans une école de sommellerie à Beaune, qui propose un tour de France des vins. Devant la collection d’échantillons proposée par l’enseignant, il est forcé de se rendre à l’évidence : en matière détection des arômes, il est « l’un des plus nuls du groupe ». De cette contrariété va pourtant lui venir cette idée brillante de « découper » le vin en petits flacons, pour isoler chaque élément de l’ADN du nectar et permettre à n’importe qui d’apprendre à son cerveau à repérer les différents arômes à chaque dégustation.

 

Pour matérialiser son idée, Jean Lenoir s’adresse à une référence en matière d’essences olfactives, Olivier Baussan (père de l’Occitane en Provence), qui lui offre l’accès à son savoir et lui ouvre les portes de sa caverne d’Ali Baba : ses fournisseurs de matières premières, à Grasse, la capitale mondiale du parfum. Et pour illustrer, sa compagne, Colette, mère de Viva Lenoir, peint les aquarelles des cartes explicatives. Le Nez du Vin prend alors vie, avec l’objectif d’accompagner l’humain dans une démarche inédite : « On base notre perception du monde sur la vue : on voit des choses indépendantes, et leur somme nous donne une image globale. L’odorat fonctionne à l’inverse, mais on ne nous a jamais appris à le décrypter : quand on sent du vin, c’est une grande image qui nous vient à l’esprit. On perçoit un ensemble de facteurs aromatiques, pas chaque détail qui lui donne vie. Le Nez du Vin permet de décortiquer les odeurs et d’extraire chaque composante », détaille Viva Lenoir.

 

Utiliser le Nez du Vin

 

Mais pour y parvenir, encore faut-il entraîner son cerveau à reconnaître les arômes. C’est là tout le but de l’outil, qui s’utilise petit à petit, comme on apprendrait une poésie. « Chaque jour, je conseille de sentir six flacons, d’essayer de deviner ce que c’est », détaille la directrice du pôle. Au-delà de la devinette, le Nez du Vin doit aider à associer un souvenir à chaque odeur. « Dans le cerveau, le sens olfactif se trouve très proche du centre des émotions », rappelle-t-elle. Le meilleur moyen de reconnaître un arôme quand on plonge son nez dans un verre, c’est d’avoir un souvenir associé. « Le Nez du Vin est un alphabet, une pierre de rosette olfactive, mais chacun a son propre chemin émotionnel pour reconnaître chaque arôme… », conclut Viva Lenoir.

 

Il est bien connu que chaque cépage possède une signature aromatique, et que le temps fait mûrir les grands vins, dont les bouquets sont de plus en plus complexes à mesure qu’ils prennent de l’âge. Le Nez du Vin est l’un de ces outils qui permettent, même aux plus fins connaisseurs, de continuer à explorer les mystères des grands crus, et d’apprendre à toujours mieux apprécier les nectars qui croisent leurs nez et leurs palais !

 

Découvrez Le Nez du Vin ainsi que bien d’autres informations et éditions sur le site de la maison d’édition Jean Lenoir.