Warenghem, plongée au coeur du whisky breton




 

L’un des plus fins whiskys du marché, « L’Armorik, 12 ans d’âge », est français. On le doit à Warenghem, une distillerie née en Bretagne aux premières lueurs du XXe siècle. De la fabrication de liqueurs, jusqu’à sa renommée dans l’univers du malt, David Roussier, son directeur général, nous en raconte l’épopée.

 

En 1982, dans une garden party donnée par l’Élysée est servi un spiritueux qui fait sensation : du « whisky breton ». En réalité, le jus vient d’Écosse et seul l’embouteillage est fait en France… Mais puisque ça a l’air de plaire, pourquoi ne pas surfer sur l’idée, pense Gilles Lesourd, alors à la tête de la distillerie Warenghem. Après tout, la Bretagne pourrait aussi produire du whisky. C’est sur cette idée, pour le moins culottée, que Warenghem entre dans l’ère du malt, en 1983.

 

Créé près d’un siècle plus tôt, en 1900 à Lannion, la destinée de Warenghem a longtemps été la même que de nombreuses distilleries qu’on trouvait un peu partout en France au début du vingtième siècle : élaborer des liqueurs locales, bien faites, mais sans prestige particulier. Lorsque Gilles Lesourd se lance dans la création de son whisky français, il dispose donc déjà d’un sérieux atout : le matériel. Mais une distillerie française est-elle légitime à se lancer dans l’aventure maltée ? C’est David Roussier, l’actuel directeur, qui nous répond près de quarante ans plus tard : « La Bretagne est une terre celte, comme l’Écosse et l’Irlande. Historiquement et culturellement, leurs liens sont forts. S’il y a une région qui peut prétendre à faire du whisky en France, c’est bien celle-ci ! » Après quatre années de travail, Warenghem dévoile son premier blend en 1987 : « C’était du bricolage car on n’avait pas des alambics de la bonne forme », sourit David Roussier. Culottée, cette première production made in France rencontre un certain succès. Puis, en 1993, la distillerie Warenghem s’équipe enfin en conséquence, avec des alambics traditionnels. Et cinq ans plus tard, en 1998, son Armorik Single Malt à double distillation voit le jour.

 

« Vous avez le droit d’appeler ça du whisky en France ? »

 

Quand David Roussier prend la suite de l’affaire familiale en 2009, la maison produit son whisky depuis quelques décennies déjà, mais continue de faire jaser les curieux. Sur les salons, on s’étonne : « Vous avez le droit d’appeler ça du whisky en France ? » se souvient-il avoir entendu. Puisque la méthode de fabrication est respectée, la réponse est oui. Mais le malt breton est-il pour autant le même que son aîné écossais ? « Il y a quelques nuances, concède volontiers David Roussier. L’eau du sous-sol, peu calcaire, a un impact sur le brassage et la fermentation. Le climat breton est légèrement plus chaud que l’écossais, le whisky vieillit un peu plus vite en fût. On utilise de l’orge breton et parfois des fûts de chêne, fabriqués par le dernier tonnelier de Bretagne ! Il est moins tannique que les fûts de Sherry traditionnellement choisis. Il apporte un côté légèrement plus sucré. » En 2015, Warenghem est récompensée de l’IGP whisky breton, qui vient de voir le jour.

 

Et parmi les références, il y en a une qui marque particulièrement les esprits des fins amateurs : l’Armorik 12 ans d’âge. « C’est un Single Cask, il vient d’un fût unique, dont le contenu présente des qualités au-dessus du lot, explique David Roussier. Il a été distillé en 2009 et embouteillé en 2021, sans qu’on ajoute d’eau pour faire descendre sa concentration d’alcool. Il est à 57 degrés. Lui a vieilli en fût de Sherry, venus du sud de l’Espagne. Il se caractérise par des notes de fruits confits, d’épices, un boisé léger. Il n’en existe que 700 bouteilles ! » Aujourd’hui bien installée, la distillerie Warenghem ne cherche pas à grossir, au contraire : elle mise tout sur une production raisonnée, sur une grande qualité d’assemblages et de vieillissements. Et continue d’exploiter son savoir-faire en matière de liqueur, d’eau de vie de cidre, de bière, en plus de son art du whisky.