Le goût du whisky de Christine Lambert

 

 

Cela avait commencé par une aversion : Christine Lambert trouvait que le whisky avait un goût d’insecte écrasé. Mais il faut croire qu’elle en est bien revenue : aujourd’hui, la journaliste est l’une des plumes les plus réputées de l’Hexagone lorsqu’il s’agit d’écrire sur le plus noble des spiritueux. Collaboratrice de Whisky Magazine, autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet – dont l’excellent Les 365 lois de l’amateur de whisky – Christine aime à dire que les whiskys sont avant tout un plaisir et « pas un pensum ». Riche de mille anecdotes, aussi pointue que didactique, cette passeuse de savoir se confie sur son goût du whisky pour Vins Fins.

 

D’où vous vient cet amour du whisky ?
Chez moi, le whisky est une affaire de famille, et même presque une affaire de femmes. Ma grand-mère n’aurait jamais accepté autre chose dans son verre. Ou peut-être une Suze à l’approche des 90 ans… Ma mère a poursuivi la tradition : elle boit du scotch, sec. Mon père a cédé aux mêmes plaisirs, avec un faible pour le bourbon. Et pourtant, à l’âge adulte j’ai été prise d’une aversion pour ce breuvage ! Je lui trouvais un goût de punaise écrasée... Mais peut-être était-ce par volonté de me distinguer ? Toujours est-il que quelques années plus tard, au détour d’une soirée avec des amies amatrices, j’ai retourné ma veste en dégustant un verre de Glenlivet. Dès lors, ma curiosité était piquée, j’ai commencé à explorer l’univers du whisky.

 

Et vous avez donc commencé à faire le lien avec votre métier…
J’étais journaliste dans la presse d’information générale, et ma passion pour le whisky s’étoffait pendant mes congés : j’allais visiter des distilleries, rencontrer des acteurs de l’industrie, et je dégustais bien sûr. Et à moment donné, j’ai eu l’opportunité d’avoir ma propre rubrique hebdomadaire sur le sujet sur le magazine Slate.fr. J’ai appliqué tout ce que je savais du journalisme à mon plaisir ultime, avec dans l’idée d’attirer un nouveau public vers ce spiritueux. Je travaille désormais pour Whisky Magazine, avec le même objectif !

 

Votre géographie favorite en matière de whisky ?
Je continue à placer les whiskies écossais très au-dessus du reste dans mon panthéon personnel. D’ailleurs, la dégustation qui m’a le plus marquée était celle d’un Black Bowmore 50 ans d’âge, dans le chai mythique de la plus ancienne distillerie d’Islay. Les Black Bowmore, des millésimes 1964 élevés en fûts de xérès, sont des « licornes » aux yeux des connaisseurs et des collectionneurs. On était à l’automne 2016 et tout était réuni : la rareté, l’âge et la qualité du single malt, l’intimité de la réunion, la magie du lieu, la présence du grand Eddie MacAffer, manager de Bowmore qui prenait sa retraite ce jour-là après 50 ans de carrière… Inoubliable.

 

En dehors de l’Écosse, certains whiskys trouvent-ils grâce à vos yeux ?
Je suis bluffée par la folle progression du whisky français. On assiste à une ébullition incroyable, et c’est une chance de pouvoir attraper la vague ainsi, qui n’est qu’à ses débuts à mon avis. Les pionniers que sont Armorik, Rozelieures, Eddu, Domaine des Hautes-Glaces et quelques autres ont fini par entraîner un mouvement qui n’est pas près de s’arrêter. Il n’y a qu’à voir dans la région de Cognac où nombre de distilleries se diversifient dans le whisky… Les amateurs peuvent désormais découvrir en France des tas de petites maisons, avec des jus de qualité et des parti pris intéressants.

 

Sur Vins Fins, on trouve des références du XIXe siècle et du début du XXe siècle pour les vins jaune et les vins de paille. Comment peuvent-ils être conservés si longtemps ?
Sur votre site Vins Fins, il y a par exemple une référence de vin jaune qui date de 1834. D’ordinaire l’air est l’ennemi du vin. Mais ici, on a un vin destiné à supporter l’oxygène, et c’est précisément cette spécificité qui lui permet de vieillir aussi longtemps. En revanche, la conservation du vin de paille daté de 1915 s’explique par d’autres facteurs. Il a une structure acide au départ, grâce au cépage savagnin dont le PH est autour de 3, il comporte des sucres résiduels et possède une base d’éthanol maîtrisée. Autant d’éléments qui lui permettent de tenir dans le temps.

 

La passionnée que vous êtes accepte-t-elle de déguster le whisky en cocktail ?
Oui, pour un Old Fashioned. C’est pour moi un cocktail méditatif, qui mue avec le temps, à mesure que la glace se dissout dans le verre. Et dégoupiller un Penicillin bien tourbé à l’apéritif, ce n’est pas mal non plus !

 

Et avec du whisky, on mange quoi ?
Avec du whisky, je déguste du fromage ! Par exemple, le stilton va bien avec les single malts vieillis en fûts de xérès, le roquefort s’entend parfaitement avec du Lagavulin, le Saint-nectaire avec le Dalwhinnie, je marie un camembert à un Ardbeg, ou encore un vieux cheddar à un Highland Park. Il n’existe pas un seul whisky qui n’ait son âme sœur en fromage !

 

À déguster sans modération : Les 365 lois de l'amateur de whisky, par Christine Lambert, aux éditions Dunod, 19,90 euros