Les prodigieux accords de Felix Clerc

 

Dans le menu de Félix Clerc, on trouve une tarte au chocolat et whisky, qu’on déguste avec un cocktail au vin blanc, absinthe, beurre d’amande et CBD. Élu jeune talent Gault et Millau 2018, passé par les fourneaux de Guy Savoy et l’atelier de Joël Robuchon, Félix Clerc marie l’alcool aux assiettes (et inversement) comme personne. Rencontre avec un chef virtuose, à la tête du restaurant bordelais Symbiose.

 

Comment vous est venue l’idée d’accorder des mets et des spiritueux ?
L’idée est venue d’un whisky. Je travaillais chez Robuchon, et mon ami Simon Chalet – avec qui j’ai ouvert Symbiose – était chef au bar à cocktail le Sherry Butt, à Paris. On a commencé à s’intéresser aux accords mets et spiritueux en se concoctant un bar à cocktails chez nous et en faisant des essais. Puis on a participé à des concours, comme celui du whisky japonais Nikka, pour lequel il fallait proposer une bouchée en accord, et on l’a gagné. Ensuite, on s’est beaucoup amusé avec du foie gras : chaque semaine, j’en faisais infuser un dans un whisky différent. Ça a été les prémices de Symbiose.

 

Cocktails et plats se rencontrent justement dans la cuisine de Symbiose, racontez-nous…
Le concept est de mêler le bar à la cuisine, en associant cocktails et assiettes mais pas seulement. On incorpore des spiritueux dans les plats, en réduction bien sûr, mais aussi en spray à la fin de la préparation. On aime les faire persister, conserver la puissance alcoolique. De fait, il y a toujours des traces d’alcool dans nos plats, il faut le savoir ! L’une de nos signatures, c’est la tarte chocolat whisky caramel au beurre salé et chantilly.

 

L’inverse est-il également valable : mettez-vous de la nourriture dans vos cocktails ?
Tout à fait ! On incorpore beaucoup d’aromates et de fleurs de notre plantation dans les Landes à nos boissons. Mais l’idée est aussi de jouer sur le zéro gâchis, alors on utilise au maximum les restes de cuisine pour pimenter nos cocktails. Le bar récupère par exemple le sirop vinaigré de mon « shrub » (carottes, abricot et thym en pickles) pour un cocktail spécial : le Shrubit. Autre expérience : on utilise le gras des charcuteries et les chutes de fromages, que l’on fait rôtir très fort avant de les verser dans du cognac et de mettre la mixture au congélateur. On récupère le liquide infusé par le gras, il développe un goût de jambon, c’est très intéressant.

 

Parlez-nous de vos associations préférées.
J’aime travailler le maquereau avec du mezcal. L’alcool le cuit et le fume, sans besoin ni de fumoir ni de cuisson. Ce spiritueux s’accorde aussi très bien avec des plats épicés, du maïs ou encore de l’avocat. J’associe le whisky à des poissons rôtis au beurre de noisette et légumes oubliés cuits au miel comme le topinambour ou le crosne. J’aime mêler la tequila au chocolat, ou encore la vodka à du concombre, de la ricotta.

 

Et à l’inverse, y en a-t-il qui ne fonctionnent pas du tout ?
Je considère qu’il y a des saveurs chaudes et des saveurs froides, et que les deux ne font pas bon ménage. Le froid, c’est la vodka, le concombre… C’est frais et acide. Le chaud, c’est le whisky, le cognac et les légumes rôtis avec du sucre. Donc, je ne vois pas la vodka sur du topinambour, qui s’accorde mieux à du cognac. À l’inverse, avec du whisky je ne mettrais pas de concombre, ou encore pas de fenouil avec de l’armagnac.

 

Retrouvez Felix Clerc et ses incroyables associations chez Symbiose, 4 Quai des Chartrons, à Bordeaux.